Ce qui est avant tout marquant dans l’œuvre de Sarah Moon, c’est son rapport à la fiction. Depuis ses premiers clichés, les photographies de Sarah Moon n’ont eu de cesse d’illustrer un certain désir de détachement de la réalité. À ses débuts, son choix de se lancer dans la photographie de mode ne pouvait aller que dans ce sens puisqu’il n’y est question que d’illusion, de séduction, de rêve et jamais de représentation fidèle du réel. En accord avec ce désir de fiction, ses photographies sont, pour la plupart, mises en scène. Il y a, chez Sarah Moon, une vraie volonté de brouiller les pistes, autant par ses choix de mises en scènes irréelles que par le traitement particulier de ses images qui est devenu sa signature. Robert Delpire entre autres a dit de sa photographie qu’elle tend à « déréaliser » tout ce qu’elle prend[2].
Le processus de développement (effectué par Patrick Toussaint tout au long de sa carrière) joue un rôle capital dans l’œuvre de Sarah Moon. Une grande partie de ses tirages sont marqués par des dégradations. Ces procédés de dégradation de l’image évoquent le temps, la décomposition, l’avancée inexorable vers la destruction et, dissimulant parfois une partie de la scène représentée (souvent les bords du cadre), ces accidents provoqués lors du développement se font représentations de l’absence du passé dans le présent, de la perte de l’impression vécue, du manque, de la fragilité du souvenir.
De plus, l’apparition des tâches, et d’« accidents » minutieux sur le négatif ou lors du tirage de ses épreuves forme comme des strates représentant elles-mêmes la photographie et ses procédés techniques. Dans une grande partie de ses œuvres, cette mise en abîme en filigrane de la photographie dans la photographie reflète sa vision de son outil et de son art comme un « mensonge », comme une illusion. Cette esthétique des tirages de Sarah Moon éloigne les scènes représentées de la réalité et de l’anecdotique pour les ancrer dans la fiction – hors du réel et hors du temps.
Outre les dégradations, des flous interviennent dans une grande partie de ses photographies. Deux types de flous sont récurrents : des flous dus au mouvement du sujet et à un long temps de pose ; et des flous orchestrés par des expositions répétées d’une même image légèrement décalée à chaque fois, dédoublant ainsi les contours sur le papier photographique et annihilant toute prétendue vérité.
Sarah Moon a souvent pris le conte pour sujet, prolongeant ainsi ses autres thèmes de prédilection que sont l’enfance et l’imaginaire. Ainsi a-t-elle réalisé en 1985, une série d’illustrations photographiques du conte du Petit Chaperon rouge. Cette série fut publiée dans un livre, accompagnée du texte de Charles Perrault. Son film La Sirène d’Auderville (2007) révèle également son intérêt pour les contes d’Andersen.
Alain Fleischer (Les Films de Sarah Moon ou l’invention d’un genre) a rapproché les films de Sarah Moon du registre du conte, mais il en va de même pour ses photographies. Au-delà des thèmes du conte et de l'imaginaire enfantin, la présence de la photographe en tant que narratrice se fait sentir dans bon nombre de ses clichés. Cette présence se dégage notamment de ses portraits aux regards intenses et directs, où transparaît clairement le contact entre le photographe et le sujet. Dans ces photographies se construit un tissu de relations entre sujet, photographe et spectateur s'apparentant aux relations entre spectateur, conteur et conte.
incroyablement belles toutes ces photos
RépondreSupprimerGreat!!
j'adoooore !!!
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