
Ce n'est qu'en 1983 que l'autodidacte Richard Kern commence sa carrière cinématographique, sous l’impulsion de Nick Zedd, un proche collaborateur qui avait déjà réalisé quelques essais remarqués (on lui doit The Bogus man, en 80). Avec seulement 5 dollars, il achète une caméra Super-8 et démarre en filmant ses amis face caméra qui blablatent pendant des heures. Kern diffuse ces expérimentations riches en personnalités (Lydia Lunch, Lung Leg, Cassandra Stark, Sonic Youth, Tommy Turner) pendant des concerts et des « acid parties ». De là découle un nouveau mouvement : le « Cinéma de la Transgression ». Un mouvement dont se revendique un certain Bruce LaBruce (No skin off my ass). Dans les films de Kern confusément tournés en super 8, 16mm et vidéo, à mi-chemin entre le porno et le gore, les personnages se shootent, se percent, s’entaillent, se cognent, violent, assassinent, « sadisent », « masochisent » et baisent pour de vrai. Ce sont les mutants provocants de l’Amérique Reaganienne. Lydia Lunch, qui deviendra sa muse, l’accompagne dans l’aventure ; Henri Rollins, son pote, aussi. Tous les deux en tant qu'acteurs. Ensemble, ils essayent de créer de nouvelles positions cinématographiques et veulent ostensiblement repousser des limites. Jim Thirlwell se charge de faire monter la pression avec une bande-son lancinante qui deviendra un élément clé dans l’univers de Kern.
Le but premier est de tester les résistances du spectateur comme à la bonne époque de Warhol à travers des provocations bien senties (demoiselle qui fait un strip-tease, s’arrache un œil et s’enfonce un couteau dans le ventre). De peur d’affronter l’hostilité du public, Kern conserve précieusement ses films et ne les diffuse qu’à ses amis proches. Jusqu’à ce qu’il se décide à franchir le cap. Dans la liste, on découvre The Manhattan Love Suicides qui se présente comme une série de quatre courts-métrages insolites sur la mort (Stray Dogs, Woman At The Wheel, Thrust In Me et I Hate You Now). The Right Side of my Brain qui brosse le portrait d’une schizophrène. You Killed Me First qui casse la représentation de la cellule familiale aimante à travers un repas familial tournant vinaigre. Submit to me now qui montre des performers jouant au sadomasochisme. De cette collection, Fingered est sans doute son film le plus connu. C’est aussi celui qui a soulevé le plus de problèmes. A chaque diffusion publique de l’objet – que Lydia Lunch ne trouvait pas assez violent –, Kern a reçu des quolibets en se faisant maltraiter par des spectateurs furax. Les imperfections formelles (faux raccords et plans approximatifs), inhérents à ce cinéma, sont érigés en idéal de cinéma.


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